2006/05/05

Carnets Bavards

Il se fait appeler "Clocheman"

« Clocheman » affamé de droits pour ses frères Exclusion . Après vingt ans de rue, Jean-Paul Fantou a entamé une grève de la faim pour dénoncer l’inadaptation des dispositifs destinés aux exclus.« Je me bats pour que les plus forts aident les plus faibles. » Vingt-six jours, aujourd’hui, que Jean-Paul Fantou a cessé de s’alimenter. Celui qui préfère se faire appeler « Clocheman » a établi sa demeure, depuis le 17 mars, sous un Abribus de la place de la Bastille, face à l’Opéra, « car c’est là qu’on a fait la révolution ». Pourquoi cette date ? « Car c’est le moment où l’on ferme les structures d’hébergement pour les sans-abri. Comme si les cloches n’existaient plus au printemps ! »Un énorme gaspillageDu coup, Jean-Paul est reparti en guerre. C’est sa troisième grève de la faim et son combat reste le même. Vaincre la misère et dénoncer la gabegie, l’inadaptation et l’hypocrisie des politiques de lutte contre l’exclusion. Son diagnostic est féroce : « Faut arrêter de se voiler la face. La misère des uns fait vivre beaucoup de gens. Un clochard, ça coûte deux plaques (3 000 euros - NDLR) à la société d’après mes calculs, si tu tiens compte du RMI, 436 euros, des frais de fonctionnement des services sociaux qui le donnent, c’est-à-dire du salaire de l’éducateur qui te suit, celui de l’assistance sociale, du 115 (SAMU social - NDLR), etc. Et avec ça, t’es pas plus avancé. Car tu fais quoi avec 436 euros ? Une fois qu’ t’as payé ta piaule, t’as plus rien. Donc tu fais la manche, tu bouffes aux Resto du coeur, tu t’habilles dans les assos. Et tout ça aussi, c’est du fric. Même si y’a beaucoup de bénévoles, les locaux, ça se paye, les camions pour transporter la bouffe ou les fringues, ils roulent pas à l’eau ! »Un énorme gaspillage qui n’aurait qu’un résultat : maintenir les gens dans la rue et leur précarité. « Franchement, à peine 10 à 15 % des gars s’en sortent et repartent vers une vie normale. Y’a pas longtemps, le 115 me ramasse vers deux heures du mat’. On me met dans un foyer. Là, si tu fais pas gaffe, on te vole, on t’agresse et à 7 heures on te fout dehors même s’il neige. Il est où l’accompagnement ? »« J’suis comme Jaurès »Plus que tout, c’est l’humanité et la dignité des paumés qu’il entend réhabiliter en faisant en sorte que leur parole soit prise en compte dans la conception des dispositifs pour leur venir en aide. Pendant un an et demi, après sa précédente grève de la faim, il a été reçu régulièrement par les services de Dominique Versini, alors secrétaire d’État chargée de la Lutte contre la précarité et l’exclusion. « Elle m’avait promis un studio, mais aussi de m’aider à trouver un local pour mon asso où des gens qui, comme moi, ont connu la rue aideraient ceux qui y sont. J’ai rien vu de tout ça. Mais c’est pas la seule à dire des trucs et à pas le faire. À la mairie de Paris, c’est pareil. »Après vingt ans de rue, une vie cassée qu’il raconte dans un livre émouvant (1), Jean-Paul Fantou, cinquante-trois ans, est persuadé que la solution ne se trouvera pas sans que l’on tienne compte de l’expérience des exclus. Il ira jusqu’au bout. Jean-Paul a toujours vécu dans l’épreuve. En attendant, il discute avec tous ceux qui s’arrêtent devant son Abribus, dort peu, écrit des poèmes (2) qu’il espère éditer bientôt. « Mon combat, il est juste. J’suis comme Jaurès, j’accuse et je propose. »(1) Clocheman, Jean-Paul Fantou, Presses de la Renaissance, 18 euros, sorti en octobre 2005.(2) Lire ci-dessous Écorché vif.Cyrille PoyArticle paru dans l'édition du 11 avril 2006. L'Huma._________________


Lire et suivre Jean Paul Fantou sur:

http://clocheman.skyblog.com/

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